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22 novembre 2005

Les dessous de la grève SNCF

"Pourquoi la CGT a besoin d'une grève" - LE FIGARO / François-Xavier Bourmaud

SOCIAL A l'approche du congrès qui fixera sa ligne jusqu'en 2010, en mars, et des élections professionnelles en avril, le syndicat veut maintenir son influence au sein de la SNCF.

LE MINISTRE des Transports, Dominique Perben, a eu beau certifier par écrit aux syndicats qu'il n'y avait «aucun projet de privatisation de la SNCF», les organisations ont maintenu leur mot d'ordre pour aujourd'hui. Le président de la SNCF ne se sera guère montré plus convaincant. Mais, en assurant que personne n'avait besoin d'une grève «ni les voyageurs, ni les clients du fret, ni l'entreprise, ni ses personnels», Louis Gallois avait juste oublié la CGT. Une CGT qui a, elle, un besoin quasi vital d'une grève, et à double titre.

Dans son bastion historique de la SNCF, le syndicat observe en effet depuis peu la montée en puissance de Sud. Radical, contestataire et rétif à la négociation, le syndicat a déjà attiré à lui les militants les plus durs de la CFDT-cheminots, en crise contre leur direction après que cette dernière a approuvé la réforme des retraites en 2003. Au point que, entre 1998 et 2004, SUD a vu ses résultats aux élections professionnelles de la SNCF passer de 6,55% à 14,79%. Cette montée en puissance n'est pas sans inquiéter la CGT.

Il y a quasiment un an, le syndicat accordait à la direction une signature «historique» au bas de l'accord de prévention des conflits. Il s'agissait alors de montrer, tant à la direction qu'aux cheminots ou aux autres organisations syndicales, que rien ne pouvait se faire sans elle à la SNCF. C'est en quelque sorte la même logique qui la pousse à l'action aujourd'hui. La CGT ne veut pas laisser SUD, FO et la Fgaac s'emparer seuls de l'arme de dissuasion que constitue la grève à la SNCF.

Enjeux syndicaux

En outre, la CGT a quelque peu à se faire pardonner auprès des cheminots. Beaucoup lui reprochent en effet d'avoir rejeté l'accord sur l'intéressement qui garantissait une prime de 160 euros à chaque salarié. Or, dès mars 2006, des élections professionnelles viendront modifier, ou perpétuer, les rapports de forces syndicaux dans l'entreprise avec un risque pour la CGT de se faire sanctionner. Sans surprise donc, le syndicat a ajouté dans ses revendications le couplet classique sur le pouvoir d'achat, espérant obtenir plus par la grève d'aujourd'hui que par la négociation d'hier.

A ces enjeux syndicaux propres à la SNCF s'en ajoute un autre, propre à la CGT. En avril 2006, la centrale de Montreuil tiendra son 48e congrès au cours duquel elle définira son positionnement jusqu'en 2010. Avec un choix clair à effectuer entre la ligne Thibault, plus ouvert à la négociation, et la ligne contestataire qui avait déjà provoqué une crise interne à propos du référendum sur la Constitution européenne.

Le sentiment d'une trahison

A la CGT, ce congrès à venir est un peu un sujet tabou. Les cadres du syndicat affirment en choeur que la grève de la SNCF n'a rien à voir avec la proximité du congrès. Soit. Mais il n'en reste pas moins que ces débats à venir agissent comme un révélateur de la ligne de fracture qui partage la CGT entre les tenants d'un syndicalisme de négociation et les partisans d'un syndicalisme d'opposition. Ou de façon plus précise encore entre les militants cégétistes du secteur privé et ceux du secteur public.

Car, au sein même de la CGT, certains militants du privé commencent à en avoir assez que toutes les actions tournent autour du service public. Et déplorent que les revendications corporatistes détournent l'attention de problèmes plus graves comme les plans sociaux ou les délocalisations. Du côté du privé, les militants cégétistes n'hésitent en tout cas pas à négocier avec les patrons. En 2004, les délégués syndicaux de la CGT ont ainsi signé 83,3% des accords d'entreprise, à peine moins que la CFDT qui en a signé 91,9%. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Bernard Thibault a récemment lancé une consultation des militants pour savoir ce qu'ils attendaient de la CGT... Une façon de mesurer s'ils approuvaient ou non sa ligne. Au cours des dernières années, le leader de la CGT s'est en effet positionné sur ce plan de la négociation qui implique des formes d'action moins spectaculaires. Quitte à inspirer, chez ses anciens confrères, cheminots, le sentiment d'une trahison.

Or c'est bien d'eux que dépend en partie l'orientation de la centrale. C'est en tout cas dans le public, et à la SNCF, que la CGT compte le plus gros de ses troupes. C'est également là que se trouvent les militants les plus prompts à se mobiliser. Et c'est enfin là que se trouvent les militants les moins ouverts à la négociation.

Quoi qu'on en dise à la CGT, c'est bien dans la perspective du congrès d'avril qu'il faut aussi lire la grève de la SNCF. Elle ne fait que prolonger la querelle interne entre les durs et les conciliants qu'avaient rallumée les conflits de la SNCM et de la RTM.

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